LA NUIT JUSTE AVANT LES FORÊTS

Cie BordCadre «LA NUIT JUSTE AVANT LES FORÊTS»
La nuit. La pluie. Un homme accoste un inconnu dans la rue. Il lui parle de travail, de putes, d’argent, de salauds, de flics, d’armée, de politique, du Nicaragua, de la jouissance impossible et du rêve fou d’un peu d’herbe où poser ses fesses ne serait-ce qu’un instant…

PRÉAMBULE
« Un dimanche froid de novembre 2017, je suis entré dans une librairie boulevard Saint-Germain. On ne devrait jamais rentrer dans une librairie quand le froid règne au dedans et au dehors. Sur un rayonnage, j’ai découvert quelques ouvrages de Bernard- Marie Koltès que je ne connaissais pas ; et mon regard s’est arrêté sur LA NUIT… J’ai acheté le livre. Un exemplaire dormait depuis au moins vingt ans dans un de mes cartons en province. Mais cet après-midi-là, je l’ai lu à voix haute en entier. Le texte m’a bouleversé. Cécile et moi en avons discuté. Elle l’a lu. Nous avons décidé de le monter. « Comment ? », « Où ? « … Rien n’était vraiment clair… Mais rien n’est clair avant l’action. »

NOTES D’INTENTION
Quel titre ! Mystérieux et sombre, promesse de poésie, de peur et de secrets, promesse tenue mais à l’envers…
Ce titre évoque l’ombre et les arbres, or nous voici plongés sous les lumières blafardes de la nuit urbaine. La parole que contient ce texte est poétique à l’envers, parce qu’elle est brute, parce qu’elle racle, parce qu’elle est rayée. Répétitions, boucles, redites, motifs qui s’enchevêtrent et se répondent chaque fois différemment, cauchemar et délice d’apprentissage pour l’acteur. C’est une parole de contraste. C’est une parole qui se révèle comme un négatif argentique. Ce qu’on voit d’abord c’est un de ces inconnus envahissants qui nous encombrent de leur parole avinée et dont on ne sait comment se débarrasser sans les rendre violents, le relou par excellence ; un de ces relous qui empiètent sur notre intimité, qui ne comprend pas la limite du toi et du moi, qui ne sait pas rester à sa place d’ « Autre », l’étranger par excellence ; un de ces étrangers qui nous enjôlent, qui font friser leur regard pour créer la sympathie, et profitent d’un sourire chapardé pour finalement demander quelque chose, un doigt qui va se transformer en bras, le mendiant par excellence ! Mendiant, étranger, relou ! « L’Autre » quoi ! Celui qui n’est pas moi, à qui je ne veux en aucun cas ressembler, celui dont je veux me débarrasser pour retrouver mon confort, ma tranquillité, mon existence paisible… Cet autre, cet étranger qui aujourd’hui se multiplie sur les trottoirs de nos villes, vivant parmi les rats qui prolifèrent aussi, sans abri sous la neige, sans abri sous la pluie, arpentant les rames de métro. Ces autres que nous laissons (sur)vivre ou périr à nos côtés, évitant leurs regards, retenant nos mains que nous ne savons pas comment tendre, pris que nous sommes dans nos propres systèmes, dans nos propres engrenages, révélateurs de notre civilisation malade d’hypocrisie. Et voilà que tandis qu’il parle, tandis qu’il se répète, tandis qu’il nous envahit de sa parole débordante, c’est bien NOUS que nous rencontrons, nous avec notre cœur brisé, notre amour offert et piétiné, nous l’enfant vibrant, nous révolté par l’incohérence du monde, par le mensonge social, nous aspirant au partage, à la paix, à l’amour. Cet AUTRE c’est NOUS. C’est NOUS avec ce que nous avons de plus enfoui. Puis nous comprenons qu’il nous dépasse. Ce NOUS dont nous regardons, fascinés et effarés le reflet, c’est un NOUS entier, un NOUS intègre, un NOUS prêt à accepter les conséquences radicales de nos convictions et de nos choix, prêt à être ce fameux « changement que nous voulons voir dans le monde ». C’est un tour de maître que réussit Bernard-Marie Koltès, et plus nous plongeons avec Guillaume dans le texte plus nous sommes saisis par sa puissance. Je suis soufflée par la métamorphose qu’il me propose, et nous mettons tout en œuvre pour permettre au spectateur de traverser le miroir avec nous dans une expérience sensible et tangible. Le danseur Matthieu Gaudeau nous accompagne pour élaborer cette incorporation. Commencer par le cliché pour accéder à l’essentiel. Proposer au spectateur l’expérience troublante de ce catalogage immédiat de la différence, qui fait l’autre, étranger, dans son altérité si reconnaissable et radicale, pour ensuite le saisir par surprise de cette chose intime : être en (-) vie.
Cécile Rist

Quand Marx rencontre Rimbaud
Ce texte expose au grand jour, dans des mots et des histoires simples, concrets, l’absurdité du système d’exploitation de l’homme par l’homme et l’emprisonnement des pauvres dans une vie contrôlée par les autres. Ce diagnostic n’est pas neuf mais il prend sous la plume de Koltès une forme poétique qui marie l’intelligence, le rêve et le prosaïque – un peu comme les anglais décrivent Macbeth : c’est un meurtrier, ambitieux, un peu lâche, dominé par ses passions et sa femme… mais il parle comme un poète et nous donne accès à un monde dont nous ignorons tout. C’est un peu similaire avec cet Étranger de Koltès : si les SDF, les marginaux psychotiques, les migrants du monde avaient accès au pouvoir de la langue – dans tout ce qu’elle permet d’intelligence et de poésie – peut-être diraient-ils ces mots-là. Koltès nous donne accès à un monde. Un monde qui sait l’injustice, la violence, la déréliction, la flamme fragile du désir et de l’humanité parce qu’il la vit. Et avec ces mots-là, il embrasse philosophie, économie, romanesque et politique portés à hauteur d’homme. Koltès nous parle aussi et surtout d’amour. Comme Rimbaud. Comme Rimbaud, il « travaille à être voyant ». Guillaume Tobo

BORDCADRE
BordCadre a été fondée par Cécile Rist et Guillaume Tobo en 2004. La compagnie est le prolongement direct du Laboratoire de Théâtre basé au Théâtre National de l’Odéon de 1998 à 2002. Marqués par les travaux de Jacques Lecoq, John Wright, Éric Lacascade, Declan Donnellan et inspirés par les techniques de danse contemporaine et de prise de conscience physique, nous privilégions la lisibilité du propos, une esthétique ludique et visuelle, un rapport public direct et une poétique corporelle. Avec BordCadre, nous avons créé 7 spectacles sur plateau, plusieurs formes courtes ou en appartement et porté en développement un Shakespeare bilingue : La fausse suivante de Marivaux, Tailleur pour dames de Feydeau, L’Amant de Harold Pinter, Le legs de Marivaux, Le misanthrope de Molière, Il n’était qu’une fois et Connectic de Cécile Rist. La Compagnie a régulièrement reçu le soutien de la DRAC Nord/Pas de Calais, de la Région Nord/Pas de Calais, du Département 62, du British Council, de l’ADAMI, du réseau européen LEAD et de la municipalité d’Avion. Elle a effectué une résidence annuelle à Bruay-la-Buissière (62) et une résidence triennale à Avion (62). La Fausse Suivante/The False Servant fit partie de la « Saison Culturelle Européenne 2008 » et de « Paris Calling » (2009) saison de théâtre franco-britannique organisée par l’Ambassade de France en Grande Bretagne. En 2011, BordCadre marque une pause. Cécile Rist se consacre davantage à l’enseignement et à sa propre formation comme professeur de la technique Alexander qu’elle enseigne désormais après 3 ans d’études. Guillaume Tobo se concentre sur la production cinématographique et fonde fin 2010 Connectic Studio. Il produit le premier long-métrage d’un jeune britannique (en anglais et français) qui est sorti en mai dernier sur les écrans. Il produit actuellement le premier long-métrage de Patrick Pineau. Aujourd’hui, BordCadre revient sur les planches avec LA NUIT JUSTE AVANT LES FORÊTS de Bernard-Marie Koltès.

CÉCILE RIST
Metteur en scène & Auteure dramatique Actrice – théâtre & cinéma & tv
Co-directrice artistique de la compagnie BordCadre Scénariste
Formatrice en art Dramatique Professeur de technique Alexander
Comédienne amoureuse des mots, Cécile Rist se trouve dépourvue lorsqu’elle découvre que ce qui réellement l’émeut au théâtre réside dans la poétique des corps. Inspirée par Jean- Claude Cotillard, son professeur à l’ESAD, par les spectacles d’Éric Lacascade et de Declan Donnellan, puis par le travail ludique des archétypes de John Wright (spécialiste du physical theater en Angleterre), elle agrémente sa formation de séjours en Angleterre (auprès de John), en Italie (chez les Grotowskiens de Pontedera) et jusqu’au bords du lac Baïkal pour orienter résolument son parcours vers un théâtre physique, ludique, direct, souvent burlesque, et toujours visuel. Avec Guillaume Tobo, elle crée la compagnie BordCadre. Elle découvre par hasard la mise en scène qui lui parait un endroit d’expression plus puissant encore que le jeu. En résidence à Avion, dans le Pas-de-Calais de 2006 à 2009, elle enchaîne les mises en scène, le Legs et la Fausse Suivante de Marivaux, l’Amant de Pinter en passant par deux ses propres textes Il n’était qu’une fois et ConnectiC. Les spectacles qu’elle crée au sein de BordCadre défendent une exigence artistique soutenue associée à une lisibilité directe et immédiate. BordCadre bénéficie alors régulièrement du soutien de la DRAC Nord/Pas-de- Calais, de la région, du département, de l’ADAMI et du British Council. En 2011, elle crée Tailleur pour Dames de Feydeau. Elle décide ensuite de faire quelques pas de côté hors de la compagnie pour s’amuser à des formes plus atypiques et expérimentales, des petits classiques sur canapé (Musset Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée et Cocteau le Bel Indifférent en théâtre d’appartement), ou la conception de l’entresort Ceci n’est pas un PIPE-SHOW et la série théâtrale Lignes de fuite qu’elle coécrit avec Sabrina Delarue. Parallèlement elle se forme à la Technique ALEXANDER dans laquelle elle trouve de fascinants outils de connaissance de soi par des chemins inhabituels et inédits. Son travail de mise en scène y gagne en puissance, son jeu en ampleur, ses salles de travail en légèreté et en précision, aussi sa vie quotidienne en structure et en douceur. Elle la transmet à des musiciens et des acteurs dans le cadre de la formation continue, ainsi qu’à des groupes de jeunes acteurs, danseurs, ou musiciens dans des conservatoires et écoles d’enseignement artistique. En 2016, elle monte le spectacle jeune public Les Mots Tombent du Ciel de l’auteure comédienne Natalie Rafal, avec qui elle entame actuellement un projet de spectacle d’anticipation autour du transhumanisme : Je veux bien mourir, mais je veux pas que ça se voie. Simultanément, Guillaume Tobo réveille BordCadre et lui propose de mettre en scène La Nuit juste avant les Forêts de B-M Koltès. Tout au long de son parcours, quels que soient ses tournants Cécile s’intéresse sans relâche aux relations entre les êtres et à la texture de celles-ci, comment les raconter, les rendre tangibles, apparentes dans l’espace. Pour parler de son activité de mise en scène, elle dit dessiner l’espace avec des corps.

GUILLAUME TOBO – Acteur / Metteur en scène / Formateur / Scénariste
Directeur et cofondateur de BordCadre, Guillaume Tobo et a tenu les rôles principaux des dernières créations de Cécile Rist [Tailleur pour dames en 2010/11, La Fausse Suivante en 2008/09, ConnectiC en 2008/07 de Cécile Rist, L’Amant en 2009 et 2006 de H. Pinter, Le Legs en 2006/05 de Marivaux, Il n’était qu’une fois en 2006/05 de Cécile Rist]. Guillaume a travaillé au théâtre en France et au Royaume Uni avec le Ballatum Théâtre, l’Attroupement 2, Christian Rist, Marc Feld, John Wright et au cinéma et à la télévision avec Éric Cherrière, Richard Curtis, Jérémie Leloup, Jean Rouch, Jean-Daniel Verhaegue, Pascale Dallet, Laurent de Bartillat… Guillaume a également mis en scène Le Misanthrope en 2004 au sein de BordCadre et 5 spectacles courts au sein du laboratoire de Théâtre qu’il dirigeait à l’Odéon : The Dumb Waiter, Un pour la route, Victoria Station, Polaroïd, La Tueuse – spectacles présentés en salle Serreau ou Gémier de l’Odéon, à Londres et à la scène nationale de Loos en Gohelle. Guillaume est enfin producteur et scénariste. Il est l’auteur de plusieurs courts-métrages, de deux longs-métrages en cours de financement. Il dirige également la société connectic studio. Il a produit le long-métrage DEPARTURE d’Andrew Steggall (UK) sorti dans quinze pays dont la France en mai 2017 et produit le premier long-métrage de Patrick Pineau.

Une soirée présentée par Connectic Studio et BordCadre.
Ouverture des portes à 20h. Début de la représentation à 20h30 

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